Question écrite n° 9349 :
Plainte classée après la mort de trois policiers : voies de réexamen possibles

17e Législature

Question de : M. Thierry Tesson
Nord (17e circonscription) - Rassemblement National

M. Thierry Tesson attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le classement sans suite de la plainte déposée par les familles de trois policiers morts en service dans un accident de la route à Villeneuve-d'Ascq le 21 mai 2023 et sur les voies de droit permettant un réexamen de cette affaire. Au jour dit, trois jeunes policiers – Manon, Paul et Steven – ont perdu la vie alors qu'ils étaient en mission. Leur véhicule a été violemment percuté par une autre automobile qui roulait à contresens à très vive allure. Le conducteur, sous l'emprise de l'alcool et de stupéfiants, est mort sur le coup. Le passager, quant à lui, a survécu. Les familles ont déposé plainte contre X, estimant que ce passager, ayant partagé pendant deux jours alcool et drogues avec le conducteur, portait une part de responsabilité dans cet accident. Le 2 juillet 2025, le parquet de Lille a annoncé le classement sans suite de cette plainte, considérant qu'aucune infraction ne pouvait être caractérisée à l'encontre de cet individu. M. le député comprend et partage l'incompréhension des familles face à cette décision. Sachant qu'une des fonctionnaires de police – Manon – était originaire de sa circonscription, ce drame en a profondément marqué les habitants. L'avocat des parties civiles évoque aujourd'hui des éléments nouveaux, notamment des vidéos diffusées par le passager sur les réseaux sociaux, susceptibles de justifier une réouverture du dossier. Il souhaite savoir si le Gouvernement entend rappeler et faciliter les mécanismes permettant la réouverture d'une enquête classée sans suite, notamment en cas d'éléments nouveaux ou de dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile. Il l'interroge également sur l'opportunité d'une évolution du cadre juridique afin de mieux prendre en compte la responsabilité des passagers dans des accidents mortels, notamment lorsque leur comportement préalable contribue de manière manifeste à la prise de risque ayant conduit au drame.

Réponse publiée le 2 décembre 2025

A titre liminaire, le garde des Sceaux, ministre de la Justice rappelle qu'il ne lui appartient pas de commenter les affaires judiciaires en cours ou les décisions de justice. Toutefois, il tient à assurer que le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre la délinquance routière. Cette mobilisation est d'autant plus forte lorsque ces infractions mettent gravement en danger nos concitoyens et qu'elles occasionnent des accidents dont les conséquences peuvent s'avérer dramatiques. Le cadre normatif a récemment été à nouveau complété et renforcé afin de répondre aux préoccupations légitimes de nos concitoyens en matière de sécurité routière et de sanctionner fermement les auteurs de telles infractions grâce à la loi du 9 juillet 2025, créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière. Par conséquent, pleinement conscient que la prise en compte des victime est indissociable de la fermeté de la réponse pénale, le ministère de la Justice porte une politique très volontariste en la matière réaffirmée dans la note du 18 décembre 2024 relative à la mise en œuvre des comités locaux d'aide aux victimes dédiés à l'accompagnement des familles de victimes d'accidents mortels de la route ou dans la circulaire relative à la politique pénale en matière routière du 20 juillet 2023 qui invite les procureurs de la République à porter une attention particulière aux victimes pour qu'elles soient en mesure d'exercer leurs droits. Le classement sans suite d'une affaire par le procureur de la République n'a pas de valeur définitive et il peut en opportunité, sur la base d'éléments nouveaux notamment, rouvrir toute enquête. Par ailleurs, en application de l'article 40-3 du code de procédure pénale « toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation  ». Outre ce recours auprès du procureur général, le plaignant peut porter plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction ou citer directement devant le tribunal correctionnel la personne mise ne cause. La responsabilité des passagers est susceptible d'être recherchée dans des accidents mortels de la route sur les fondements de la co-action ou de la complicité qui permettent, dans le respect du principe fondamental de personnalité de la responsabilité pénale, de couvrir notamment les situations dans lesquelles il ressort de l'enquête qu'ils ont donné des ordres, donné les moyens de commettre l'infraction (ex : prêté le véhicule en connaissance de la situation) ou incité au comportement infractionnel. En l'espèce, il n'a manifestement pas pu être considéré que le passager était responsable de l'accident. La nouvelle analyse qui sera réalisée par le procureur général permettra de déterminer l'exactitude de cette appréciation.

Données clés

Auteur : M. Thierry Tesson

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 12 août 2025
Réponse publiée le 2 décembre 2025

partager