Adoption de deux propositions de lois : protéger la population des risques liés aux PFAS et protéger durablement la qualité de l'eau potable

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Travail en commission | Copyright : Assemblée nationale

Mercredi 12 février matin : la commission du développement durable a examiné, en deuxième lecture, puis adopté la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées.

Rapporteur : Nicolas Thierry - EcoS

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Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) ou « polluants éternels » sont un ensemble de familles de substances chimiques qui regroupent chacune plusieurs combinaisons d’atomes et que l’on ne trouve pas à l’état naturel. Le nombre de PFAS est difficile à évaluer. Si l’OCDE a répertorié dans un premier décompte 4 700 substances, le rapporteur explique qu’il en existerait entre 10 000 et 12 000. Elles ont pour point commun d’avoir une chaîne d’atomes de carbone et de fluor qui leur confère des propriétés très recherchées notamment un caractère à la fois hydrophobe et lipophobe et une grande résistance à la chaleur. Ces matériaux sont ainsi déperlants, antiadhésifs ou imperméables aux graisses notamment.

On retrouve ainsi des PFAS dans de nombreux produits et donc dans de nombreux secteurs industriels : dans des emballages et ustensiles alimentaires, des vêtements, certains équipements de sport, les mousses anti-incendie, les produits phytosanitaires, les dispositifs médicaux, les produits de nettoyage, les ustensiles de cuisine, les produits cosmétiques, des matières utilisées pour les revêtements de surface, etc…

L’ensemble de ces substances se caractérise par la grande stabilité chimique et thermique de la chaîne carbonée. Cette stabilité ralentit la dégradation de ces substances dans l’environnement et facilite ainsi l’intégration des PFAS dans des milieux où ils ne devraient pas être présents : dans les sols, dans l’eau, dans l’air et dans les tissus organiques aussi bien des êtres humains que de la faune et de la flore explique le rapporteur.

Nicolas Thierry explique que depuis plusieurs décennies les PFAS sont détectés dans divers milieux, au niveau mondial, et à des niveaux de concentration élevés. Par effet de bioaccumulation et de bioamplification, ils ont été retrouvés dans divers tissus animaux et humains. Le rapporteur souligne ainsi que selon Santé Publique France, 100 % de la population française présenterait des traces de PFOA et de PFOS dans le corps.

Selon l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable, le principal mode d’exposition aux PFAS reste l’eau potable ou les aliments pollués, qui pourraient être contaminés par des ustensiles de cuisines, des emballages alimentaires ou par des sources résiduelles de PFAS dans l’environnement.

Le rapporteur s’alarme des « sérieux risques » et « problème sanitaire d’une gravité et d’une portée inédite » que semblent représenter les PFAS : « altération de la fertilité, maladies thyroïdiennes, taux élevé de cholestérol, lésions au foie, cancer du rein et des testicules, réponse réduite aux vaccins ou faible poids à la naissance ». Il évoque en outre les coûts « colossaux » de la dépollution qui s’ils ne sont pas aisément évaluable, pourraient s’élever à de 4,8 milliards d’euros par an, dans les scénarios les plus optimistes si les émissions étaient drastiquement réduites dès aujourd’hui, à 100 milliards d’euros par an dans d’autres scénarii.

Selon l’estimation fournie par les États membres de l’Union européenne qui ont déposés auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) une proposition de restriction de l’usage des PFAS en mars 2023, la quantité globale de PFAS émise à raison de produits nouvellement commercialisés dans l’Union était, en 2020, comprise entre 18 694 et 54 593 tonnes auxquelles s’ajoutent en stock 38 000 tonnes de gaz fluoré.

L’article 1er vise à réduire l’exposition de la population aux PFAS. Dans sa rédaction initiale, l’article interdisait dès le 1er juillet 2025 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des PFAS (produit destiné à entrer en contact avec les denrées alimentaires, produits cosmétiques, fart, produit textile), avant d’interdire tous les produits contenant des PFAS le 1er janvier 2027. Lors des différents examens, l’interdiction d’un certain nombre de produits contenant des PFAS a été repoussé de six mois (au 1er janvier 2026) et restreinte aux produits cosmétiques, au fart, aux textiles d’habillement et aux chaussures (à l’exception des équipements de sécurité des personnes).

Par ailleurs, l’interdiction générale de tous les produits contenant des PFAS, à l’exception de produits considérés comme strictement essentiels et pour lesquels l’usage de PFAS demeurerait indispensable, présente dans le texte initial, a été supprimée. Elle ne vise désormais que les produits textiles à partir du 1er janvier 2030.

En outre, le Sénat a précisé que ces interdictions ne s’appliquent pas aux produits contenant des PFAS à une concentration inférieure ou égale à une valeur définie par décret.

L’article 1er prévoyait, d’autre part, d’étendre le champ du contrôle sanitaire de l’eau potable à toutes les PFAS connus. Le Sénat a réduit ce contrôle à une liste limitative de PFAS déterminée par décret, auquel pourra s’ajouter d’autres PFAS non listés par le décret dès lors que ces substances sont quantifiables par les laboratoires d’analyse et que « leur contrôle est justifié au regard des circonstances locales ». Les députés puis les sénateurs ont par ailleurs prévu que les ministres chargés de la prévention des risques et de la santé devront établir une carte répertoriant les sites ayant émis ou émettant des PFAS qui comporte des mesures quantitatives des émissions.

L’article 1er bis, introduit en séance à l’Assemblée nationale, prescrit la détermination d’une trajectoire nationale de réduction progressive de la présence de PFAS dans les rejets aqueux des installations industrielles jusqu’à leur élimination totale dans les cinq ans à compter de la promulgation de la loi.

L’article 1er ter, introduit par le Sénat, invite le Gouvernement à élaborer un plan d’action gouvernemental pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales responsables de l’eau et de l’assainissement.

L’article 2 introduit une redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique assise sur les rejets de PFAS dans l’eau.

L’article 2 bis, introduit par la commission du développement durable, fait obligation pour les agences régionales de santé de présenter le niveau d’exposition des populations. Le Sénat a précisé que la publicité faite par les ARS de leur programme de contrôle devait également concerner les eaux en bouteille.

Mardi 11 février après-midi, la commission a examiné et adopté la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l'eau potable.

Rapporteur : Jean-Claude Raux - EcoS

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Le rapporteur dresse le constat d’une contamination des eaux destinées à la consommation humaine « de plus en plus préoccupante ». Il explique ainsi qu’en 2023, presque 17 millions de Français ont consommé au moins une fois au cours de l’année une eau contaminée aux pesticides, selon un bilan du ministère chargé de la santé.

Cette pollution aux pesticides, aux engrais azotés minéraux, aux nitrates, et à leurs sous-produits après dégradation des molécules actives, les métabolites, persiste des années, voire des dizaines d’années dans la ressource en eau, et bien après l’interdiction de certaines substances. Ainsi, selon les données obligatoires transmises par la France à la Commission européenne en 2019, lors du dernier rapportage prévu au titre de la directive 2000/60/CE, dite directive-cadre sur l'eau (DCE), seulement 45 % des eaux de surface et 70 % des eaux souterraines sont en bon état chimique.

33 000 captages sont aujourd’hui utilisés pour l’alimentation en eau potable en France, sur lesquels sont prélevés 18 millions de m3 d’eau par jour pour produire des eaux destinées à la consommation humaine. Deux tiers sont prélevés en eaux souterraines et un tiers en eaux superficielles. Le rapporteur précise que ces vingt dernières années, le volume d’eau douce renouvelable annuel a baissé de 14 %. Aussi, la ressource est menacée sous le double effet du dérèglement climatique et des pollutions.

La qualité de l’eau distribuée au robinet dépend à la fois de l’état de l’eau captée, en rivière ou dans la nappe souterraine, et des traitements effectués après le prélèvement. Jean-Claude Raux précise qu’« il est donc nécessaire de préserver la qualité de la ressource en amont du prélèvement afin de réduire le degré de traitement nécessaire pour sa potabilisation ».

Selon le ministère de l’aménagement du territoire et de la transition écologique, entre 1980 et 2024, 14 288 captages d’eau potable ont été fermés. La première cause d’abandon de captages incombe à la dégradation de la qualité de la ressource en eau (32,1 % des situations) et que parmi les captages abandonnés, 41 % le sont du fait de teneurs excessives en nitrate et/ou pesticides.

Outre les conséquences humaine, sanitaire et sur les milieux terrestres et aquatiques, Jean-Claude Raux s’alarme du « gouffre financier » que constitue les pollutions de l’eau potable. En France, les coûts de traitement liés à la pollution de l’eau potable par les pesticides et les engrais azotés minéraux sont estimés entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an. « Cette somme colossale consacrée à ne traiter que partiellement le problème pourrait servir à le prévenir » plaide le rapporteur.

Le rapporteur considère que le cadre juridique de protection demeure « insuffisant et confus ». Les périmètres de protection des captages prévus par l’article L. 1321-2 du code de la santé publique, qui protège leur voisinage immédiat, ne sont pas systématiquement mis en œuvre. Par ailleurs, les aires d’alimentation des captages (AAC) prévus par l’article L. 211-3 du code de l’environnement, qui protègent l’ensemble des surfaces où toute goutte d’eau tombée au sol est susceptible de parvenir jusqu’au captage, ne couvrent que 60 % des captages prioritaires.

D’autre part, la recherche de métabolites de pesticides se heurte à des disparités territoriales importantes et à l’absence de liste socle, au niveau national, estime le rapporteur.

Une mission conduite conjointement par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), portant sur la prévention et la maîtrise des risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l’eau destinée à la consommation humaine, pointait ainsi un « constat global d’échec » dans la politique de protection des captages. Le rapport de cette mission recommandait l’élaboration d’une liste socle de molécules au niveau national, dont le suivi serait obligatoire, et qu’ensuite chacune des ARS complèterait en tenant compte du contexte régional.

L’article 1er systématise l’instauration de programme d’actions obligatoires pour protéger la ressource en eau, dans les aires d’alimentation des captages. Il prévoit par ailleurs une interdiction de l’usage de pesticides de synthèse et d’engrais azotés minéraux dans les aires d’alimentation des captages associés à des points de prélèvements sensibles, à l’exception des produits de biocontrôle et de ceux autorisés en agriculture biologique.

En commission, les députés ont imposé aux chambres départementales d’agriculture d’être accompagnées d’un conseiller sur l’agriculture de conservation des sols lorsqu’elles répondent à des sollicitations de personnes publiques (CD22).

L’article 2 prévoit un renforcement du contrôle de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine par l’intégration de la recherche de métabolites de pesticides inclus sur une liste nationale. Ce contrôle inclut également la recherche de métabolites de pesticides dont la recherche est justifiée par les circonstances locales.

En commission, les députés ont prévu la révision annuelle de la liste nationale de contrôle (CD3) ainsi que l’établissement d’une liste propre aux départements et collectivités d’outre-mer (CD10).

Enfin, les députés ont augmenté, dans un nouvel article 3, la taxe sur les produits phytopharmaceutiques initialement plafonnée à 3,5 % à au moins 3,5 %, à l’exclusion des produits de biocontrôle (CD16). Le rapporteur précise que ce taux est aujourd’hui fixé à 0,9 %.